Enseigner implique l’acceptation d’une certaine inégalité, non de nature ni de capacité intellectuelle mais d’abord de connaissance. L’enseignant sait quelque chose, d’autres ne savent pas.
QU'ATTEND-ON DE L'ENSEIGNANT ?
Il est communément attendu de lui qu’il s’impose au groupe, le dirige, qu’il incite l’élève à adopter une pratique réflexive sur sa pratique, qu’il le guide dans ses apprentissages et enfin qu’il l’aide à progresser par des consignes individualisées. On voit apparaître dans cette définition l’articulation de sa responsabilité envers le groupe (traitement collectif) avec sa responsabilité envers chaque individu (traitement individuel). Disons sans tarder que la responsabilité globale de l’enseignant ne peut s’envisager en séquence, les deux phases qui la constituent sont concomitantes.
DEUX AXES DE LA RESPONSABILITÉ
Climat de classe et relation duelle Par climat de classe il faut entendre toutes les conditions d’exercice, organisationnelles, matérielles, relationnelles. Ce climat de classe est en lien direct avec le climat d’établissement, il ne peut en être séparé. Cela entraîne obligatoirement que la responsabilité d’un climat de classe portée par un enseignant devant la classe (et non sa classe) dépend de fait de ce qui se vit collectivement dans l’établissement. On ne saurait imputer la réussite ou la difficulté à un seul enseignant. Il s’agit bien dans mon esprit de l’expression d’une responsabilité collective, laquelle est bien sûr exécutée sur des partitions spécifiques, chaque enseignant étant le plus souvent « seul dans l’arène » qui peut devenir « la fosse aux lions ».
RELATION DUELLE
C’est la relation que l’enseignant tisse avec chacun de ses élèves. Cette relation duelle se développe naturellement dans un climat de classe, lequel ne peut être antinomique de la relation duelle et inversement. Les éléments de la relation duelle sont ceux de toute relation humaine, nous les aborderons un peu plus loin tout en précisant d’emblée qu’ils relèvent du savoir être plus que du savoir faire.
Les principes de base étant posés nous allons maintenant tenter de répondre à cette question, que signifie enseigner ? Quel est le sens d’une transmission de savoirs plutôt que comment faut-il faire.
PETITE HISTOIRE PARABOLIQUE
“Voyant la foule des gens, Jésus alla sur la montagne. Lorsqu’il fut assis, les douze vinrent à lui. Il leva les yeux sur ses disciples et dit : “Bienheureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux leur appartient. Bienheureux ceux qui souffrent car ils seront consolés. Bienheureux les doux car ils posséderont la terre…”
Quand Jésus eut terminé, Pierre demanda : “Il fallait écrire ?” Puis André demanda : “Il faudra apprendre tout ça ?” Et Jacques : “Il faut le savoir par cœur ?” Philippe : “C’est trop dur !” Jean : “J’ai pas de feuille !” Et Thomas : “Moi j’ai plus d’encre dans mon stylo.” Inquiet, Barthélemy demanda : “Y aura une interro ?” Marc : “Comment ça s’écrit, “bienheureux” ?” Matthieu se leva et, quittant la montagne sans attendre, dit : “Je peux aller aux toilettes ?” Simon s’exclama : “Ça va sonner !” Et Judas : “Vous avez dit quoi, après “pauvres” ?”
Alors, un grand prêtre du temple s’approcha de Jésus et lui dit : “Quelle était ta problématique de départ ? Quels étaient tes objectifs transversaux ? A quelle compétence faisais-tu appel ? Pourquoi ne pas avoir mis les apôtres en activité de groupe ? Est-ce que ce choix de pédagogie frontale était le plus approprié ?”
Alors Jésus s’assit et pleura.
Cette histoire, dont l’auteur est anonyme, nous montre que le travail de l’enseignant se heurte sans cesse à plusieurs écueils. Pour un enseignant c’est souvent le contenu d’enseignement qui prime. En revanche pour son entourage ce n’est pas obligatoirement la préoccupation première. Les « élèves » de cette parabole sont préoccupés par ce qui pourrait apparaître comme des broutilles, situation toujours vraie de nos jours. Le Grand Prêtre, lui aussi porteur de connaissances, est dans une attitude d’opposition frontale au maître, ses remarques de méthodologie sont faites dans le but évident de déstabiliser l’orateur. Pour chacun le message est oublié, la connaissance s’efface devant les contingences. Pourtant c’est bien le message que porte le Christ qui est fondamental.
QUE SIGNIFIE ENSEIGNER ?
Pour enseigner il faut se préoccuper de divers éléments.
LA PERSONNE DE L’ENSEIGNANT Une connaissance approfondie de soi, le Gnothi seauton des anciens grecs. Est-ce que mon caractère, mes attitudes, mes comportements, mes postures me rendent aptes à enseigner ? Reconnaissons que dans la période de formation on s’intéresse peu à ce questionnement.
LES MOTIVATIONS DE L’ENSEIGNANT Quelle est ma relation aux savoirs, à la transmission des connaissances. La discipline que j’enseigne est-elle partie d’un ensemble de connaissances ou bien se place-t-elle dans une hiérarchie de savoirs ? Quant aux modalités de la transmission, comment se décident-elles ? En fonction d’un a priori magistral ou bien en dialogue avec les destinataires du savoir ?
LA PERCEPTION DES ÉLÈVES Les élèves ne sont pas des spécialistes en formation, cela veut dire que l’appétence pour les contenus de programmes varie énormément selon les individus, et ce en fonction des contenus, en fonction des moments, en fonction des lieux, en fonction du niveau de formation. L’élève au sens générique ou, si vous préférez, les élèves, le groupe ont eux aussi une relation au professeur, aux apprentissages, à l’effort ? Autant de questions qui surgiront d’elles-mêmes. Autant se les poser en préalable.
LES OBJECTIFS DE L’ENSEIGNANT Quel est mon projet pour les élèves, ou si vous préférez quels sont mes objectifs d’enseignement ? Sachant que tout ne sera pas facile dans ma relation aux élèves, est-ce que cependant, contre vents et marées, je crois à l’éducabilité de tout jeune. Une façon de se demander si, y compris devant la passivité et le renoncement, je serai prêt à tout faire pour atteindre mes objectifs.
L’ENVIRONNEMENT PROFESSIONNEL Dans quel environnement suis-je appelé à exercer ? (environnement étant l’ensemble des conditions dans lesquelles mon activité professionnelle se situe). Selon les conjonctures cela peut aller des conditions matérielles jusqu’à l’existence d’une véritable communauté de travail et d’objectifs en passant par l’attitude des parents, les pressions sociétales. Cet environnement est-il aidant, porteur, facilitateur ou au contraire source de difficultés, de freins ? L’environnement c’est le cadre dans lequel j’agis. Laissons de côté les aspects organisationnels et matériels qui ne sont pas au cœur du sujet aujourd’hui pour nous centrer sur l’environnement professionnel, à savoir l’équipe dont je suis membre et les conditions du vivre ensemble que nous nous sommes données. Chacun sait que l’absence d’organisation, l’anomie, ou le style joyeuse fanfare villageoise dans lequel chacun joue sa partition sans trop se préoccuper des autres, ne sauraient construire un climat relationnel « aidant ». Ce sont les règles, règlements, contrats de toute nature qui construisent le décor dans lequel chacun évolue avec sa personnalité propre. Ils balisent le chemin, disent les droits et les devoirs de chacun. C’est le jeu classique entre liberté et contrainte.
PERSONNE ET POSTURE Une action d’enseignement est obligatoirement éducative. Les fondements en sont le respect de la personne qui se traduit par de la courtoisie, de la politesse, de la décence et de la pudeur dans les propos afin de ne pas choquer, de la tolérance, de la considération pour la personne de l’élève, de la retenue, de la loyauté qui interdit tout mensonge et dissimulation. Chacun d’entre nous possède ces qualités en plus ou moins grande quantité mais la question principale est d’y rester fidèle quelles que soient les circonstances. Toute la question et de faire coïncider ce que je suis (quelle personne ?) avec ce que je montre (quelle posture ?) – posture est ici un synonyme d’attitude – . Essayer d’apparaître pour ce que l’on n’est pas relève de la contorsion impossible. Tous les conseils du style montre-toi … sont ainsi des tentatives de changer une personnalité profonde, conduisant inévitablement à l’échec. Car il ne s’agit pas de d’apparaître mais d’être.
Si je m’interroge sur ma pratique professionnelle je sais que la réalité du terrain peut me conduire à des exaspérations, à de l’impatience, voire à de la colère (rentrée le plus souvent) devant les comportements erratiques des jeunes à certains moments. Il est difficile de ne pas être à bout de patience. Et pourtant !
ENSEIGNANT & AUTORITÉ
AUTORITÉ DE L’ENSEIGNANT Les acceptions sont nombreuses : avoir de l’autorité (naturelle, le charisme), détenir de l’autorité, faire autorité, en sont les plus courantes. Mais, et ce mais est important, avoir de l’autorité, détenir l’autorité donne plus de devoirs que de droits. La vraie autorité n’est jamais une excuse à l’échec mais une promesse de réussite.
LES PRESSIONS EXTÉRIEURES Les enseignants sont dépositaires par nature d’une autorité sur les jeunes, ils détiennent une part d’autorité. Cette part d’autorité doit être protégée, elle comporte un aspect non négociable. C’est dans le cadre du respect mutuel qu’elle s’inscrit et trouve sa légitimation. Elle est aujourd’hui battue en brèche. Pourquoi ? Parce que les parents ont tendance à donner d’abord raison à leur progéniture ? Certes, mais ce n’est pas l’unique raison. Ce qui a changé c’est le fait que nous sommes dans une société participative. C’est un fait, on peut le regretter ou pas, c’est ainsi. La conséquence première est que l’autorité magistrale de nos jours est appréciée à travers le comportement de l’enseignant, elle est parfois attaquée, voire remise en cause par tel ou tel parent. Ne nous voilons pas la face en tant qu’individu, ne faisons-nous pas la même chose envers l’autorité publique ? La réponse est évidemment oui. Nous sommes passés d’une société d’obéissance à une société d’adhésion (je n’obéis pas parce qu’il le faut mais parce que tu m’as convaincu). Tout détenteur d’une part d’autorité est de nos jours contesté.
C’est pour cette raison qu’il n’est plus possible de répondre individuellement aux pressions extérieures ; il convient de leur opposer une réponse collective d’établissement en étant fermes sur des valeurs tout en restant réceptifs aux arguments d’autrui. Pour résumer dialogue et écoute mais sans compromission, encore moins abandon.
Un enseignant peut aussi faire autorité. En premier lieu par le fait qu’il détient du savoir mais plus encore par sa posture personnelle, posture dont nous avons parlé plus haut. Son emprise sur les jeunes relève plus d’une reconnaissance de son comportement que de sa maîtrise des concepts. C’est un aspect important car la première réaction d’un enseignant est souvent de considérer que son autorité s’apprécie en fonction de sa compétence disciplinaire. Ce n’est pas faux mais si cela est nécessaire c’est rarement suffisant.
C’est dans la façon d’être que se joue la relation duelle entre l’adulte et les jeunes. C’est une relation humaine forte qui crée le climat nécessaire à la transmission des savoirs.
Arrivé à ce point il me semble utile de souligner un point trop souvent oublié lorsqu’on aborde la notion de climat favorisant. Sur ce point on ne saurait uniquement se préoccuper des équations individuelles. Il faut aussi, dans le même temps, se poser la question du groupe, de la communauté de travail. Comme dans l’orchestre symphonique la bonne interprétation du morceau ne vient pas seulement de la somme des compétences individuelles mais tout autant de l’unité d’action de l’ensemble des exécutants. C’est ainsi qu’une fausse note passagère ne suffira pas à mettre l’harmonie en cause, la somme des exécutions l’emportera sur quelques maladresses individuelles.
Notre vision trop souvent individualiste du métier nous conduit à ne pas bien mesurer combien la présence des collègues nous aide à franchir les difficultés, c’est en cela que le travail d’équipe est souvent la meilleure réponse au traitement des difficultés du vivre et travailler ensemble. Et, ce qui vaut pour les adultes, vaut tout autant pour les élèves. Il existe dans toute classe un gisement d’énergies qui, bien canalisées et orientées, peuvent produire des effets bénéfiques pour le groupe classe et pour les adultes qui en assument la charge. C’est ainsi qu’il est possible de s’appuyer sur le fort besoin d’adhésion au groupe que ressent le jeune.
BIENTRAITANCE
Comme je le disais plus haut la condition incontournable du vivre ensemble c’est le respect entre les personnes. Seul le respect peut entraîner la confiance. Seule la confiance permet l’émergence d’un climat relationnel porteur. Dans ce domaine c’est aux enseignants que l’on demande le plus. Ils doivent donner l’exemple par leur comportement personnel et collectif. Cet exemple à donner ne se situe pas sur le plan de la morale, il est nécessaire de le travailler dans les actions professionnelles.
Voyons ensemble comment nos pratiques communes peuvent contribuer à l’instauration du climat de confiance.
Dans l’organisation interne par exemple, faire un effort collectif pour ne laisser place à aucun battement, flottement, propre à dissiper le groupe. L’improvisation est source de désordre. Avoir des exigences fortes pour le travail et le comportement en communiquant sur ce point entre adultes et savoir dire non quand c’est nécessaire, calmement mais fermement. Il est tellement plus facile de dire oui ou de laisser faire.
Baser son action sur des valeurs fortes, en parler et les faire vivre en commençant par les respecter nous-mêmes (la valeur du témoignage et de l’exemple). –exemples si de besoin-
User de son influence pour orienter les élèves les plus indisciplinés vers des attitudes respectueuses des personnes et des règlements.
Ne pas menacer à tout va de sanctions, ne les utiliser qu’en dernier recours, les faire exécuter dés qu’elles sont prononcées.
C’est là qu’apparaît la notion de règlement intérieur dont la partie sanctions n’est qu’un des éléments ainsi que la répartition du « qui fait quoi »
BIENTRAITANCE / BIENVEILLANCE
Une écoute attentive, un regard bienveillant, une parole forte sont les trois piliers de la BIENTRAITANCE. Faire autorité en restant bienveillant, ce qui pourrait se résumer par les trois attitudes suivantes :
- Une écoute attentive ? intérêt pour la personne
- Un regard bienveillant ? confiance en la personne
- Une parole forte ? poser des actes
La bientraitance, c’est le respect d’autrui et de soi-même mis en actes. C’est l’état de bonne santé de la relation duelle. Elle est liée à la satisfaction des besoins de tout jeune :
- Être respecté en tant que personne: respect physique, psychique, affectif.
- Pouvoir révéler ses propres ressources.
- Se construire comme sujet et acteur de sa vie.
Certains disent que le potentiel est inné mais ce sont les paroles et les attitudes de l’entourage qui permettent leur activation. Les besoins de l’être humain restent présents toute la vie, de la naissance à la mort.
Ce sont des aliments physiques et psychologiques dont on ne peut se passer. Seule la capacité à tolérer la frustration, liée à la maturité psychoaffective, marque la différence entre le jeune et l’adulte. La carence ou la saturation des besoins entraînent des souffrances corporelles et psychiques.
Les besoins psychiques sont de plusieurs ordres : (voir le document sur la Pyramide Maslow)
Être reconnu ? Avoir de la liberté et des limites Comprendre ? Avoir des stimulations et du calme S’exprimer ? Être individualisé et appartenir à un groupe Être en sécurité Être dans une juste distance – Proximité et espace propre
Pour maintenir un équilibre, la satisfaction des besoins psychologiques doit être suffisante, plutôt optimale que saturée. La bientraitance s’installe dans une zone entre deux extrêmes éducatifs, l’autoritarisme et la permissivité.
Un jeune qui subit l’autoritarisme se soumet et refoule toute sa vie émotive, affects et pensées, il simule la soumission et développe des attitudes perverses, il fuit la réalité et part dans son monde imaginaire, il se rebelle.
Un jeune qui subit la permissivité est en insécurité émotionnelle, il est le seul décisionnaire de sa vie, développe un sentiment de toute puissance, n’accepte plus les règles communes.
La bientraitance a pour objectifs d’amener le jeune à :
- Préserver et utiliser sa vitalité
- Se porter garant des droits de chacun
- Entendre et gérer la souffrance générée par la violence
- Apprendre à se connaître
- Apprendre à respecter autrui
- Apprendre à coopérer
Il faut « étonner » les élèves tous les jours et à tout instant, en ménageant des espaces de surprise et de bonheur d’apprendre bien plus porteurs que les sanctions qui ne font que démobiliser. Toujours valoriser les jeunes dans leurs actions plutôt que de les rabrouer : tous chercheront alors à obtenir ces satisfecit qui leur font si plaisir et sont tellement générateurs de progrès. Pour les élèves, on peut les impliquer mieux, davantage, dans le respect qu’ils doivent avoir du règlement, en les impliquant dans la vie de classe, afin qu’ils se responsabilisent eux-mêmes. Cela constitue un premier pas vers la discipline consentie et même vers l’autodiscipline.
PSYCHOPÉDAGOGIE
Le grand mot est lancé. On ne naît pas psychopédagogue, on le devient par l’expérience. Il est toutefois possible de progresser à plus grands pas par la connaissance de constantes dans le comportement des pré-ados et adolescents.
QUELQUES PISTES
- Le jeune en général se caractérise par sa vitalité (notion que nous perdons vite de vue). Par vitalité il faut entendre sur le plan physique un perpétuel mouvement et sur un plan psychique un appétit de la vie. Plutôt que de combattre cela, mieux vaut l’utiliser au mieux.
- Le jeune en général se caractérise par un sens très acéré de la justice, ou plutôt de ce qui pour lui est justice. En revanche il ne sait pas encore ce que justice veut dire, ce qui le conduit à défendre farouchement des positions qui nous apparaissent à juste titre indéfendables. Pour cette raison il nous faut d’un côté veiller à ne pas nous réfugier dans la sanction comme solution aux problèmes et quand elle est prononcée veiller à son individualisation (ce qui somme tout n’est jamais que la base de notre droit national).
- En revanche le jeune est aussi en capacité d’apprendre, ce que lui permet son cerveau malléable, ou souple si vous préférez. On peut donc par le raisonnement l’amener à la compréhension des choses, beaucoup plus qu’on ne le croit.
- Le jeune en général se caractérise par une forte imprégnation du groupe. La preuve en est le fait que pour être différent il s’habille tous pareils (autre caractéristique de son caractère paradoxal). Peu de jeunes sont capables de travailler la primeur de leurs idées propres par rapport à celle du groupe. Cette identité d’appartenance peut difficilement être combattue, une approche bientraitante veillera à ne pas laisser le groupe virer au clan ou à la bande.
- Le jeune en général se caractérise par sa volonté de flirter avec les interdits, ce qui le conduit à contester par principe, à voir jusqu’où il est possible d’aller ou de ne pas aller. C’est là que notre responsabilité d’adultes doit tenir la route et ne pas se laisser entraîner vers des acceptations coupables.
Traiter les jeunes avec bienveillance (les bientraiter) suppose que nous soyons capables de discernement, de distanciation. Que nous fassions tout pour ne pas fonctionner à l’affect en gardant le recul nécessaire. Ce n’est pas toujours facile mais le passage est obligé. Si nous n’y parvenons pas c’est notre propre psychisme que nous mettons en danger. En cette occurrence nous avons besoin des autres pour nous aider à franchir le pas ; rester seul devant ce type de problèmes est la pire des solutions.
Notre métier est souvent un métier d’ingratitude qui, de nos jours, manque de reconnaissance. Mais ne nous arrêtons pas à la surface des choses. Par définition dans ce métier, ce n’est pas celui qui sème qui récolte. Les plus anciens savent que parfois, la rencontre avec un ancien « élève » devenu adulte, nous montre que nous avons laissé une empreinte, il nous arrive même d’en être remercié.
Sachons décrypter les attitudes d’ados. Sachons que le plus souvent, lors de conflits, c’est la fonction qui est mis en cause, plus que la personne. N’oublions jamais que les paroles du jeune peuvent être à l’opposé de ce qu’il pense réellement, que la pression du groupe et la mode des attitudes s’imposent à lui avec une force dont nous avons perdu le sens. N’oublions pas qu’il vit dans l’instant alors que nous le tirons souvent vers un avenir qu’il n’envisage que progressivement.
N’oublions jamais qu’il n’est pas possible d’obtenir tout tout de suite, mais qu’il convient de poursuivre le creusement du sillon.